Frein au changement: le piège abscons

« En psychologie sociale, ce mécanisme est appelé le « piège abscons » et désigne la tendance des individus à persévérer dans une action, même lorsque celle-ci devient déraisonnablement coûteuse ou ne permet plus d’atteindre les objectifs. En matière de vie affective, par exemple, c’est cette tendance à rester avec un partenaire qu’on aime plus, parce qu’ “on ne peut pas avoir vécu toutes ces années pour rien”. » [1]

Autrement dit, le piège abscons est ce mécanisme qui pousse un individu à persévérer dans son comportement alors même que ce dernier apparait comme absurde pour un observateur extérieur. C’est le même mécanisme qui sous-tend le comportement du joueur de poker qui dit sans cesse qu’il va « se refaire » et qui finit surendetté car il n’a pas réussi à s’arrêter à temps. En effet, s’arrêter à temps serait revenu à admettre qu’il avait eu tort de s’engager sur cette voie et donc admettre son erreur. Autrement dit, cela reviendrait à « perdre la face ».

Ce mécanisme est un frein pour toute personne qui souhaiterait effectuer une transition professionnelle lui permettant d’exercer une activité plus conforme à ses aspirations.

Pour illustrer cela, je peux citer l’exemple d’un ami, jeune avocat, qui m’avait posé la question suivante: « tu ne crois pas que c’est risqué d’abandonner après autant d’études pour devenir avocat ? ».

A travers cette question, on pouvait observer à la fois la projection de ses propres peurs et la manifestation du mécanisme du piège abscons[2].

Pour terminer sur ce sujet, on peut relever le fait qu’une personne enserrée dans ce mécanisme va régulièrement se fixer une deadline pour, si la situation ne s’arrange pas, cesser de persévérer dans son comportement. Cependant, à chaque fois que ladite deadline est atteinte, la personne ne fait que s’en fixer une autre.

A ce sujet, on peut citer l’exemple du consultant qui répète à l’envi à ses amis que si sa situation ne s’améliore pas, il va changer de métier lorsqu’il aura atteint le prochain grade. Sauf qu’une fois le prochain grade atteint, il se fixe une nouvelle échéance. 

Ce mécanisme est si fort dans ce métier que, cumulé au train de vie qu’il permet d’avoir, il génère ce que certains appellent un effet d’engrenage ou sentiment d’être enfermé dans une « prison dorée ». Cette dernière expression est reprise d’un article du Figaro sur le sujet, intitulé Les cabinets de conseil, des prisons dorées pour les salariés[3].

La prise de conscience de ce mécanisme peut permettre d’opérer plus facilement un changement dans sa vie professionnelle (ou privée).

[1] Servigne, Pablo et Stevens, Raphaël. Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes. Seuil. 2015. Page 86.
[2] Pour l’anecdote, j’ai répondu à cet ami par une question, à savoir « Qu’est-ce qui est plus risqué ? M’obstiner et exercer quelques années ce métier et avoir des regrets après d’avoir gâcher ces années en n’étant pas à ma place ou commencer enfin à faire ce qui me plaît ? »
[3] http://www.lefigaro.fr/decideurs/management/2018/09/25/33007-20180925ARTFIG00207-les-cabinets-de-conseil-des-prisons-dorees-pour-les-salaries.php [Consulté le 4 février 2019].